vendredi 10 janvier 2014

La dure réalité du ‘’batch’’ (et je ne dis pas merci à Talisker !)

La dure réalité du ‘’batch’’ (et je ne dis pas merci à Talisker !)

Jusqu’à présent je n’avais pas pourchassé de bouteilles d’un batch spécifique d’un single malt, considérant que les différences entre les batches n’étaient pas vraiment significatives. Mais ça, c’était avant…

Je vais expliquer ma (grosse) désillusion plus loin dans cet article, mais je vais d’abord essayer d’expliquer de façon claire ce qu’est un batch.

Les batches pour les nuls:

Un exemple valant mieux qu’un long discours alambiqué… Prenons un single malt de 10 ans d’âge. Chaque année la distillerie doit avoir un stock de ce 10 ans à mettre sur le marché. La bouteille de 10 ans d’âge que vous avez achetée à Noël ne contiendra pas le même single malt que celle que vous avez achetée il y a 5 ans (sauf si vous tombez sur un ancien stock, mais c’est un autre sujet ; considérons la plus pure des théories), même si la bouteille a la même forme et que l’étiquette est identique. Et c’est logique : la bouteille de 10 ans achetée à Noël a été distillée en 2003, alors que celle achetée il y a 5 ans l’a été en 1998. La différence de qualité des récoltes d’orge d’une année à l’autre, le climat changeant aussi d’une année à l’autre, les différences entre les fûts de bois, la qualité de l’eau ; toutes ces choses mises ensemble font que le single malt sera différent d’une année à l’autre.

Ca, c’est le principe de base du batch : un single malt variable d’un lot produit à un autre.

  • Il y a les batches difficilement identifiables et décelables, comme l’exemple ci-dessus de bouteille dont le packaging ne change pas d’une année à l’autre (ou d’un batch à l’autre dans la même année, car cela arrive aussi). Un bon exemple est le Glendronach 15 ans Revival.
  • Il y a les batches plus facilement identifiables car clairement indiqués sur l’étiquette par numéro de batch (comme l’Aberlour A’Bunadh par exemple) ou par année (comme le Talisker 25 ans par exemple).
  • Il y a aussi les batches qui ne sont pas indiqués, mais l’étiquette ou la boîte qui change de look indique clairement à l’amateur attentif qu’on vient de changer de batch (comme pour le Clynelish 14 ans début 2013 par exemple).

Alors bien sûr les différences gustatives entre les batches devraient en théorie être limitées et la qualité du produit devrait rester plus ou moins constante. En théorie seulement. Car la politique commerciale et marketing de certaines distilleries vient foutre le bordel dans cette belle théorie. Et là je suis vénère. En colère. Très. Envers une distillerie en particulier : Talisker.

Cette distillerie était une de mes préférées. J’en ai plusieurs fois parlé sur ce blog, je l’ai encensée, je l’ai vénérée pour la qualité que ses 18 et 25 ans. Mais ça aussi, c’était avant…

La grosse claque que je me suis prise:

Talisker a commencé à réduire en alcool ses batches de 25 ans d’âge, passant de bruts de fût extraordinaires en goûts et en arômes de 2001 à 2010 à des versions réduites à 45.8% très mainstream et avec un intérêt gustatif bien moindre (surtout comparé aux batches précédents) à partir de 2011. Avec en prime une grosse augmentation de prix. Rajouter de l’eau à sa production (pour avoir plus de volume à vendre) et en plus gonfler le prix, déjà en soi c’est déjà un beau foutage de gueule, mais ce sont les réalités commerciales que je peux comprendre (même si je n’approuve pas puisque je fais partie des consommateurs lésés). Tant que ça se vend, pourquoi se priver, hein ?

Mais là où je ne pardonne pas, c’est pour le changement de batch du Talisker 18 ans. Mon étalon. Ma référence. Mon précieux…

Si vous suivez ce blog depuis un petit moment, vous avez pu lire ma note dithyrambique du Talisker 18 ans et ma verticale de plusieurs Talisker (dont ce 18 ans). Mais mon avis sur le Talisker 18 ans était basé sur la bouteille que j’avais du batch à boîte bleue foncée unie achetée fin 2012.

Récemment j’ai acheté une bouteille du nouveau batch à boîte arborant la photo d’une vague se fracassant sur un rocher (l’étiquette de la bouteille a elle aussi quelque peu changé de look). Je pensais retrouver les mêmes sensations et les mêmes frissons que précédemment, puisque je croyais (naïvement) que les différences entre les batches étaient faibles. Que nenni.

Déjà à l’ouverture de la bouteille j’ai été très étonné par la grande différence avec le batch que je connaissais : le caramel trop présent (ils ont versé tout le bidon de colorant E150 dedans ou quoi ?), un manque de senteurs marines et fumées, une amertume d’amande trop affirmée, un poivre trop sage, un manque total de complexité. Je me suis alors dit qu’il fallait laisser reposer la bête quelques jours, il est fréquent qu’une bouteille soit ‘’trop’’ ou ‘’pas assez’’ à l’ouverture mais qu’elle évolue favorablement par la suite. Après une semaine, pas de changement flagrant : les goûts et arômes sont toujours aussi plats, what the fuck ?! Ce nouveau batch est juste merdique (que je noterais à peine 84/100, comparé au 93/100 pour le précédent batch !!!) comparé au précédent ! Mon monde s’écroule. J’ai perdu mon Précieux ! Et comme le ‘’bon’’ batch que j’aime n’est plus disponible nulle part (sauf chez les spéculateurs qui ont déjà gonflé son prix, ces enfoirés !), je suis de la revue…

Talisker a donc écouté jusqu’au bout les trompettes de la facilité. Après nous avoir bombardé de nombreux jeunes ‘’NAS’’ aux finitions diverses et improbables (et sans intérêt particulier, surtout) ces derniers mois, la distillerie a donc fini par détruire chez moi ce qui la faisait apparaître dans mon top 5 de mes distilleries préférées : son côté marin / pirate fougueux, sale et bagarreur (je sais, c’est très imagé mais c’est la meilleure façon que j’ai de traduire visuellement ce que je ressentais. Notez le verbe conjugué au passé, ce n’est pas anodin).

A gauche, le ''bon'' batch de Talisker 18. A droite, l'objet du délit, le ''mauvais'' batch de Talisker 18.A gauche, le ''bon'' batch de Talisker 18. A droite, l'objet du délit, le ''mauvais'' batch de Talisker 18.

A gauche, le ''bon'' batch de Talisker 18. A droite, l'objet du délit, le ''mauvais'' batch de Talisker 18.

Rhaaaaaaa, je veux mon Précieux !!!

Les vieux amateurs de single malt se plaignent déjà depuis plusieurs années d’une perte de spécificité globale des goûts du single malt en ‘’faveur’’ (comme ce mot cloche dans ce contexte !) d’une uniformisation du goût pour plaire au plus grand nombre. Etant assez nouveau dans le monde du single malt et trouvant mon compte dans ce que je goûtais, je ne m’étais pas trop inquiété de cet état de fait. Jusqu’à cette énorme claque que ce nouveau batch de Talisker 18 ans m’a mise dans la figure.

Ce qui est inquiétant, c’est que cette tendance générale à proposer un single malt plat et sans intérêt va probablement s’intensifier et s’accélérer. A se demander pourquoi continuer à s’intéresser au single malt s’il ressemble de plus en plus aux blends à mélanger au coca…

Vite, que la bulle éclate ! Que les pays émergeants (où le single malt fait fureur) s’en désintéresse ! Que la demande s’effondre ! Que le single malt revienne vers ses valeurs de qualité et de terroir ! Et surtout, surtout, que les marketeux de bas étage des distilleries et groupes de distilleries (ai-je nommé Diageo ?) aillent se faire voir ailleurs. Marre de se faire refourguer des bouteilles à la con à des prix prohibitifs !

On veut de la qualité, de la vraie ! Pas du produit marketé pour des masses de moutons ignares et incultes !

Et, surtout, avant tout, et par-dessus tout, rendez-moi mon Talisker 18, bordel !!!

5 commentaires:

  1. Bon la chasse est ouverte pour en mettre une ou deux de côté.
    J'ai eu en 2013 le bon embouteillage et en effet quel bonheur, je m'étais servi un verre et l'avais quelque peu oublié pour mon rôle de jeune papa, un autre parfum ; )
    lorsque je regagnai le salon toute la pièce était parfumée de ce merveilleux single malt.
    je dis à mes amis que c'est le whisky qui doit vous appeler, vous dire lorsqu'il est à point, juste bon à se laisser déguster et Talisker 18 ans en était le parfait exemple.

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    1. La chasse est en effet ouverte, et elle ne sera pas facile :-(

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  2. Si ca interresse quelqu'un, il m'en reste une.

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  3. C'est donc ça!!

    j'avais lu de nombreux articles très flateurs sur ce Talisker 18 que je trouvais de mon côté "sympa sans plus" (je limite mes achats à des bouteilles à 80-90€, ma base de comparaison pour le "très bon" est toute relative ;) ) mais la, le packaging livre son explication, ma bouteille est une du nouveau batch.

    le point positif c'est que je n'ai peut être pas les papilles si embrumées que ça après tout !

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  4. Et, devant le Moto GP d'Argentine, je termine le w.e. avec un 18 ans de l'ancien batch, dont il me reste, au mieux, 1/4. Mais quel bonheur !

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